Jean-François
Mattei : restaurer la confiance du monde de la santé
Malgré
des comptes de la Sécurité sociale dans le rouge en 2002 et un lourd déficit
de l’assurance-maladie – 5,6 milliards d’euros –, le ministre de la Santé,
Jean-François Mattei, a annoncé l’octroi d’une rallonge budgétaire de
700 millions d’euros pour les hôpitaux et justifie les accords passés
avec les professionnels de santé. « C’est le prix de la restauration de
la confiance », a indiqué le ministre, qui souhaite tirer les leçons de
l’échec du plan Juppé.
Après
trois années d’un fragile répit, le « trou de la Sécu » refait surface.
Selon les prévisions de la commission des comptes de la Sécurité sociale,
réunie tardivement en raison du calendrier électoral, les comptes du régime
général devaient afficher à la fin de l’année un déficit de 2,4 milliards
d’euros.
Elle
confirme, ce faisant, l’hypothèse haute retenue à la fin de juin dans
l’audit des finances publiques, qui prévoyait un déficit situé dans une
fourchette entre 2 et 2,4 milliards d’euros.
C’est
principalement l’assurance-maladie, avec un lourd déficit de 5,6 milliards
d’euros et une progression des dépenses de l’ordre de 7 %, qui fait plonger
les comptes dans le rouge, les autres branches présentant encore un solde
légèrement positif.
On
est donc loin de l’excédent de près de 1 milliard d’euros prévu par le
précédent gouvernement. « Nos prédécesseurs nous ont légué une situation
plus détériorée encore que je ne l’imaginais », a constaté le ministre
de la Santé, Jean-François Mattei, à qui revenait la délicate mission
de présenter ces mauvais résultats.
Il
ne s’est d’ailleurs pas privé d’en imputer l’entière responsabilité au
gouvernement socialiste. « La vérité qu’il nous faut dire aux Français,
c’est que nos prédécesseurs ont conduit une politique imprévoyante en
nous laissant le soin de payer aujourd’hui la facture », a-t-il expliqué,
en les accusant d’avoir utilisé, par le biais « d’un mécanisme de tuyauteries
compliquées », les ressources de la Sécurité sociale, et notamment
de l’assurance-maladie, pour financer la politique de réduction du temps
de travail. « Tous les changements d’affectation de ressources effectués
depuis trois ans au profit du FOREC (fonds de financement des exonérations
de charges patronales, NDLR) représentent 4,5 milliards d’euros de manque
à gagner pour la Sécu », dont la moitié pour l’assurance-maladie,
a confirmé le secrétaire général de la commission, François Monier. Au
point que Bernard Accoyer, vice-président du groupe UMP de l’Assemblée
nationale, n’a pas hésité à évoquer « des manipulations comptables
de type Enron ou WorldCom ».
Malgré
cette violente attaque, le ministre de la Santé a toutefois tenu à tempérer
l’ampleur du déficit qui ne représente, selon lui, que 1 % des dépenses
totales. « Nous ne sommes pas au bord de je ne sais quelle crise financière
de la Sécurité sociale comme cela a pu être le cas par le passé »,
a affirmé Jean-François Mattei.
Une
nouvelle logique
Des
précautions oratoires qui lui permettent de justifier à la fois l’absence
de relèvement des cotisations et le coût d’un certain nombre de mesures
d’urgence prises dans le domaine de la santé par le gouvernement Raffarin
depuis son arrivée au pouvoir et dont le rapport de la commission des
comptes souligne l’impact sur l’accélération des dépenses d’assurance-maladie.
C’est le cas notamment des revalorisations des tarifs des professionnels
de santé libéraux estimées à 800 millions d’euros. La moitié afin de tenir
les engagements du précédent gouvernement, a souligné le ministre de la
Santé, l’autre moitié afin de mettre un terme aux conflits en cours, notamment
avec les médecins généralistes et les pédiatres. En outre, une enveloppe
de 700 millions d’euros sera débloquée dans la prochaine loi de financement
de la Sécurité sociale en faveur des hôpitaux publics destinée à les aider
à boucler leur budget et à financer les 35 heures, a annoncé Jean-François
Mattei. L’ensemble de ces mesures contribueraient à hauteur de 1,6 % à
l’augmentation des dépenses de soins de ville, qui culmine cette année
à 8 %, a souligné la commission.
Mais
toutes ces mesures « étaient indispensables compte tenu de la situation
», afin de « solder le passé, je devrais dire le passif, et restaurer
la confiance », a déclaré le ministre de la Santé, qui souhaite tourner
définitivement la page du plan Juppé et instaurer une nouvelle logique
dans la gestion de ces dépenses. Dans un entretien publié par « le Monde
» daté du 12 juillet, il explique à ce propos que, « depuis vingt ans,
on a tout essayé (...) La maîtrise comptable de 1995 a été un échec qui
nous a probablement coûté les élections de 1997 et qui a nui cette fois
à la gauche. Je vais faire une dernière tentative : faire confiance aux
professionnels de santé ». C’est « la nouvelle gouvernance » du système
de santé et d’assurance-maladie, appelée de ses vœux par le Premier ministre,
Jean-Pierre Raffarin, lors de sa déclaration de politique générale.
Les
syndicats médicaux satisfaits
Un
discours qui n’a pu que satisfaire les principaux intéressés. A commencer
par le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF),
le Dr Michel Chassang, qui se réjouit de ce que le gouvernement fasse
confiance aux médecins libéraux. « Nous participerons à hauteur de
nos responsabilités, mais pas au-delà, à l’optimisation des dépenses de
santé », a-t-il réagi, tandis que le président de MG-France, le Dr
Pierre Costes, confirme que le discours de Jean-François Mattei a été
« bien reçu ». « Il y a un changement profond. Je pense qu’avec ce gouvernement
on va pouvoir travailler sérieusement », commente, de son côté, le Dr
Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML).
Céline
ROUDEN
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