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Projet de loi de
finances 2003
Budget des personnes handicapées |
DISCOURS de Marie-Thérèse BOISSEAU 12 novembre
2003
Lors du débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale M. Mattei, Ministre de la santé, de
la famille et des personnes handicapées, vous a indiqué
que la part des dépenses destinées à améliorer les
conditions de vie des personnes handicapées augmentait
de 6%.
Le projet de
loi de finances dans un souci de cohérence affirme un
effort aussi important puisque le budget réservé aux
personnes handicapées augmente de 5,6% par rapport à la
loi de finances initiale 2002.
Ces deux
données marquent la volonté de ce gouvernement dans
le cadre des orientations fixées le 14 juillet dernier
par le Président de la République davancer
non pas seulement en paroles mais dabord en actes vers
une meilleure intégration des personnes handicapées
dans notre société.
Des progrès
importants ont été accomplis grâce notamment à la loi
dorientation du 30 juin 1975. Mais il reste encore
beaucoup à faire pour améliorer leur vie quotidienne.
Le projet
de budget initial pour 2003, que je suis heureuse de
vous présenter aujourdhui, sélève à 5,9
milliards deuros. Il est en augmentation de 317
millions deuros par rapport au précédent.
Ce budget se
décompose en 4,526 milliards deuros pour lallocation
aux adultes handicapés, soit une progression de 5,8% par
rapport à lannée précédente, un peu plus de 1
milliard deuros pour les centres daide par le
travail (CAT), 78,9 millions deuros pour les crédits
déconcentrés (sites de la vie autonome, auxiliaires de
vie), enfin 263,5 millions deuros pour le fonds spécial
dinvalidité (F.S.I.) et 12,7 millions deuros
pour les instituts nationaux pour les sourds et aveugles.
A- les
principaux points :
1- lallocation
aux adultes handicapés dabord.
En 2001, 200.000
personnes environ se sont vues attribuer lAAH quil
sagisse dune première demande ou dun
renouvellement.
Le nombre des
personnes ayant un taux dincapacité égal ou supérieur
à 80%, relativement stable depuis 1995 est de lordre
de 120.000. Par contre, les personnes dont le taux dincapacité
se situe entre 50 et 80% sont tous les ans plus
nombreuses. Cest ainsi que pour la période
1995-2001, leur nombre est passé de 56.600 à plus de 80.000.
Pour la seule année 2001, laugmentation a été de
7%.
Comment
expliquer cette progression ?
Sagit-il
dune substitution de lAAH à certains minima
sociaux ? Dans certains cas, certainement.
Mais cette évolution
est due tout autant aux prises en charge médico-sociales
récentes de personnes concernées par des déficiences
psychiques ou mentales, accueillies jusque là dans des hôpitaux
psychiatriques. Ces personnes font la demande dune
AAH, leur état de santé et leur niveau de formation
professionnelle ne leur permettant pas, le plus souvent,
de trouver un emploi, notamment en milieu ordinaire.
Cela nous
conduit, dans tous les cas, à nous poser la question de
lefficacité de notre dispositif dinsertion
professionnelle. Cette dernière, je tiens à le
redire haut et fort, particulièrement au cours de cette
semaine de linsertion professionnelle des personnes
handicapées, est essentielle pour une véritable intégration
dans la société. Cest pourquoi jai rencontré
récemment le Président mais aussi la directrice générale
de lAGEFIPH et je leur ai proposé de travailler
avec le réseau Cap Emploi de façon à intensifier
quantitativement et qualitativement linsertion
professionnelle de ces personnes en milieu ordinaire,
autant que faire se peut, bien sûr.
Ce travail sappuiera
sur un renforcement dune évaluation médicale
individualisée par les COTOREP. Nous nous
appuierons, pour ce faire, sur les nouveaux postes de médecins
coordonnateurs (43 à ce jour) et sur la poursuite de la
modernisation du fonctionnement de ces instances de décisions
sous 2 aspects principaux : lactualisation du
système informatique et la simplification des procédures
(simplification des formulaires de demandes et réunion
des deux sections de la commission).
2- Le 2e
point fort de ce budget est celui concernant la création
de nouvelles places en CAT.
Le plan
quinquennal qui se termine en 2003 prévoyait la création
de 1500 places par an. Le budget dun milliard
permettra le doublement de ces places soit 3000 nouvelles
places en 2003, et jen suis fière.
Certes,
chaque fois que faire se peut, les personnes handicapées
doivent être orientées vers le travail en milieu
ordinaire. Mais il est des fois où la forme ou le
degré du handicap ne permet pas cette insertion et
oblige à dautres réponses comme les ateliers protégés
ou les CAT. Ces derniers sont depuis quelques jours au cur
dune polémique dont on peut se demander si elle
est sérieuse. Dois-je préciser que son auteur a fait lobjet
dune mesure disciplinaire lexcluant du corps
très respectable des administrateurs de lINSEE.
Les CAT ne sont pour la plupart ni des lieux denfermement
ni des lieux dexclusion encore moins desclavage.
Vous en connaissez tous et, en ce qui me concerne, jen
ai déjà visités un certain nombre et je considère quils
constituent une réponse médico-sociale parmi dautres,
adaptée à certaines formes de handicap.
Le CAT
demeure donc une réponse nécessaire et il est
urgent daugmenter le nombre de places pour faire en
sorte que de jeunes adultes nencombrent plus les
IME, en dautres termes que lamendement CRETON
devienne sans objet, ou que dautres ne retournent
pas dans leur famille où linactivité les fera régresser.
Si cette
institution se justifie tout autant quhier, sa
gestion doit pouvoir être améliorée, quil sagisse
de la gestion financière qui doit être en toute
occasion parfaitement transparente ou de lorganisation
du travail qui doit être moins figée, plus souple et
plus ouverte sur lextérieur.
Il est
souhaitable quil y ait plusieurs niveaux dactivité
à lintérieur des CAT, que certaines personnes
aient la possibilité de travailler à temps partiel, que
dautres puissent, à terme, aller, travailler en
atelier protégé ou en milieu ordinaire
. et réciproquement.
Dans tous les
cas il sagit de parcours individualisés qui
doivent tenir compte à tout moment des possibilités de
progression professionnelle pour certains comme de la
lassitude au travail pour dautres.
Imaginer que
le travail en milieu ordinaire soit la seule réponse à
linsertion professionnelle des personnes handicapées,
cest, sans aucun doute, nier une part de la réalité
donc faire fausse route ! Il est essentiel de
maintenir des formes de travail protégé qui devront
toutefois à terme être plus souples et mieux adaptées
à chaque situation de handicap. Ce sera un des objectifs
de la réforme de la loi de 1975.
3- Ces
mesures concernant lallocation adulte handicapé et
les centres daide par le travail saccompagnent
dune majoration de 30% des crédits déconcentrés
auprès des préfets de région et de département qui
passent de 60,6 millions deuros cette année à 78,9
millions deuros en 2003.
Cet effort
budgétaire permettra de développer les services offerts
aux personnes handicapées avec le souci dune plus
grande proximité et cette déconcentration donnera aux
élus locaux la possibilité de travailler avec les
services de lEtat dans le cadre de projets
territoriaux tenant compte des bassins de vie.
Ces nouveaux
crédits permettront de créer 30 sites pour la vie
autonome. Ces sites doivent faciliter le
rassemblement des principaux décideurs financiers (Etat
collectivités locales sécurité sociale
mutuelles) afin que la personne handicapée nait
plus quun seul interlocuteur dans sa recherche de
financement des aides techniques qui savère trop
souvent être un véritable parcours du combattant.
Dans un
second temps, je souhaite que ces sites puissent apporter
des réponses globales aux personnes handicapées et à
leur famille, et quils soient de véritables lieux
de ressources en aides techniques certes mais aussi
humaines et en information de toutes sortes.
A ce propos,
jai confié au professeur LECOMTE une mission détude
sur les conditions de prise en charge des aides
techniques nécessaires. A ce jour, elles sont au nombre
de 35.000 environ parmi lesquelles seulement 700 sont
remboursées par la sécurité sociale. Cette question
sera, sans nul doute, au centre de la réflexion sur la
compensation du handicap.
Ces crédits
déconcentrés nous permettront aussi de créer 500
nouveaux postes dauxiliaires essentiels pour lintégration
et la réussite scolaire des enfants handicapés.
Avec le
ministre de léducation nationale jai mis en
place le 17 octobre dernier un groupe de travail dont la
mission est de définir un nouveau statut pour les
auxiliaires dintégration scolaire. Ce groupe de
travail remettra ses propositions en mars 2003.
Pour lheure,
avec Luc FERRY, je mengage à ce que le nombre dauxiliaires
dintégration scolaire soit préservé jusquà
la fin de lannée scolaire (juin 2003), soit pour léducation
nationale 1100 postes à temps plein et 2000 à temps
partiel et pour mon secrétariat dEtat 2200 postes
associatifs à temps plein.
Si les
enfants ont lobligation daller à lécole,
il faut affirmer, a contrario, que léducation
nationale a lobligation de sadapter et daccueillir
tous les enfants, à lexception bien sûr des très
lourdement handicapés qui ne peuvent bénéficier daucune
scolarité. Trop denfants sont à ce jour en
attente dintégration scolaire !
En plus des
postes dauxiliaires dintégration scolaire, 1100
postes dauxiliaires de vie seront créés portant
à 5000 leur nombre à la fin de lannée prochaine.
A côté de lintégration
scolaire puis professionnelle, le choix du mode de vie
doit être respecté, conforté. De plus en plus de
personnes souhaitent vivre à domicile plutôt quen
établissement, quelle que soit la lourdeur de leurs
handicaps. Certaines ont besoin dun accompagnement
24 heures sur 24. Jai demandé à mes services déconcentrés
de mieux répondre à la demande de ces personnes et de
rechercher soit directement avec elles, soit par le biais
de leurs associations, une solution adaptée, personnalisée.
Grâce aux crédits
déconcentrés, il sera également possible de développer
laccueil temporaire en établissement qui
est essentiel pour les personnes handicapées vivant à
domicile particulièrement celles souffrant dun
handicap lourd ainsi que pour leur famille qui a besoin
par moment de se reposer et de vivre selon un autre
rythme.
Le maintien
à domicile suppose des auxiliaires de vie, la possibilité
daccueil temporaire mais aussi des services de
soins infirmiers à domicile dont jai demandé
la poursuite à titre dérogatoire en attendant la
parution prochaine du décret qui leur donnera un statut
légal.
Le
financement du développement de ces soins comme celui de
lexternalisation déquipes travaillant
dans les maisons daccueil spécialisé ou dans les
foyers daccueil médicalisé est prévue
dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Avant de généraliser
les dispositions de maintien à domicile, il faudra expérimenter
plusieurs solutions. Ces expérimentations feront lobjet
dun suivi attentif de ma part car le choix de vie
des personnes handicapées sera un des principaux axes de
la réforme de 1975.
4- Le
Fonds spécial dinvalidité
91.700
personnes bénéficient de ce fonds. Il sagit dune
allocation versée, sans condition de ressources, en
complément dune pension dinvalidité ou dassurance
vieillesse. Cette allocation concerne les personnes
atteintes dune invalidité générale réduisant
leur capacité de travail dau moins 2/3. Un
audit va être fait par lIGAS sur les circuits de
financement courant 2003.
B- Ce
budget ne résume pas à lui tout seul les efforts en
faveur des personnes handicapées
Le projet de
loi de finances qui vous est soumis donne un certain
nombre dindications sur les efforts de lensemble
des autres ministères.
Déjà si lon
y ajoute les mesures fiscales ou les réductions dimpôts,
ou les interventions de lEtat en faveur de la
garantie de ressources, le montant des actions pour les
personnes handicapées sélève à plus 7,5
milliards deuros.
La solidarité
nationale se retrouve également dans le PLF SS avec
notamment le doublement du nombre de places en MAS (2200
contre 1100 seulement en 2002).
Si lon
était en mesure dintégrer les efforts consentis
par les collectivités territoriales, en matière dhébergement,
ou dACTP (allocation compensatrice pour tierce
personne), cet effort apparaîtrait encore plus
important, ce dont je me réjouis. Déjà près dune
vingtaine de conseils généraux ont décidé de déplafonner
lallocation compensatrice pour tierce personne (ACTP).
C) Ces
principes daction, ces efforts budgétaires, ce
souci de linnovation et de lexpérimentation
visent un seul but : une meilleure voire totale intégration
des personnes handicapées. Tel sera lobjectif
de la réforme de la loi dorientation de 1975 qui
sera déposée devant le Parlement courant 2003.
La question
qui nous est posée à tous est la suivante :
comment faire en sorte que la future loi permette à
chaque personne handicapée de trouver sa place dans la
société, et à la société dans son ensemble de ly
aider ?
Question
difficile qui renvoie aux obligations de la solidarité
nationale au travers dune politique de compensation
du handicap.
Question
difficile dont la bonne réponse demande la mobilisation
de tous.
Cest la
raison pour laquelle je multiplie les déplacements sur
le terrain et les contacts avec les intéressés et les
associations.
Je voudrais
souligner devant vous les principaux enseignements que jen
tire :
troisièmement,
la volonté dexpérimenter à tous les
niveaux, démarche qui sera facilitée par la loi
sur la décentralisation,
enfin
lurgence à traiter plus particulièrement
certains problèmes aujourdhui totalement
en friche : celui des personnes lourdement
handicapées, celui des personnes handicapées
vieillissantes ou des polyhandicapés, des
autistes et des traumatisés crâniens sans
oublier celui de laide aux familles.
Dans cette
perspective je compte également beaucoup sur les
travaux du Conseil national consultatif des personnes
handicapées (CNCPH) et des Conseils départementaux
(CDCPH) qui seront des lieux de concertation
essentiels. Des sujets aussi importants que laccessibilité
au milieu ordinaire de travail, aux lieux publics, à lécole
ou au lycée, à une éducation et une formation
professionnelle, aux loisirs, à la culture seront traités
de nouveau dans ce cadre.
Les
propositions faites par les parlementaires me seront également
très précieuses. Je pense notamment aux suggestions
intéressantes des rapporteurs de ce budget, Messieurs
CHOSSY et BAPT, mais aussi au rapport sénatorial très
complet sorti cet été sur ce sujet.
Ensemble nous
nous devons de proposer aux personnes handicapées et à
leur famille un nouvel outil législatif qui soit plus
simple, clair, efficace, qui permette de sinterroger
sur les dispositifs actuels et de leur donner plus de
souplesse, de capacité dadaptation à des
solutions nouvelles répondant mieux au souci dautonomie
et dintégration des intéressés.
Tel est le
beau défi qui nous attend. Jentends le relever
avec vous et avec lensemble du Gouvernement dans la
droite ligne de lengagement du Président de la République.
Il en va de
la dignité de la société tout entière de le relever
mais aussi de la dignité de chacun dentre nous.
Plus est en nous !

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