Forum national Alliance Maladies Rares

Les fondements de la relation d'aide

Marcella GARGIULO

Psychologue, Institut de Myologie

A l'époque où j'étais étudiante, j'ai un jour demandé à l'un de mes professeurs des conseils pour aider concrètement quelqu'un, au-delà de la théorie. Il m'a raconté l'histoire d'un bûcheron qui s'était coupé les jambes. Déprimé, celui-ci s'était renfermé sur lui-même. Sa femme l'a conduit chez un psychologue, qui lui a proposé une solution : le problème de cet homme résidant à ses yeux dans sa solitude, il lui a conseillé de rencontrer des personnes qui, comme lui, avaient perdu leurs jambes.

Un soir, rentrant du travail, la femme du bûcheron le retrouva de bonne humeur, tenant dans ses mains la scie avec laquelle il s'était blessé. E lui exposa sa décision de couper les jambes de ses amis, afin de trouver des personnes qui lui ressemblent.

Mon professeur m'a raconté cette histoire pour me montrer ce qu'il ne fallait précisément pas faire. Comme le disait Oscar Wilde, donner des conseils est une très bonne chose ; en donner de bons est une catastrophe.

1. Quelques concepts

Aider

Le mot "aider" correspond à de nombreux concepts. Aider, c'est assister, épauler, protéger, seconder, secourir, soulager et soutenir.

Comprendre

Comprendre quelqu'un, c'est l'embrasser par la pensée. Cela nécessite de faire preuve de bienveillance, d'indulgence, de largesse d'esprit et de tolérance.

L'empathie

Ce concept est, dans une relation d'aide, fondamental. Avoir de l'empathie, c'est sentir avec l'autre. De nombreuses personnes possèdent cette capacité de manière naturelle. L'empathie se distingue de l'identification : sentir avec l'autre n'est pas renoncer à sa propre identité. Dans la relation d'aide, cette précision dans la distance est très importante : l'identification est un danger.

Il. Deux situations difficiles à gérer en termes psychologiques

La peur

La peur peut conduire à deux types de réactions : la fuite et la lutte. Elle se manifeste face à l'inconnu, c'est-à-dire face à ce qu'on ne maîtrise pas ou ce qu'on ne connaît pas. On a peur d'être abandonné, d'être détruit ou de détruire quelqu'un.

 

 

La peur peut être évoquée au travers de l'image d'un cadavre dans un placard. Certaines personnes, sachant ce que celui-ci contient, prennent peur en en regardant la porte fermée. D'autres, au contraire, ouvriront cette porte, découvriront le cadavre et feront face à la situation. Ces deux réactions extrêmes permettent de penser comment chacun se situe face à la peur.

La culpabilité

La culpabilité est un sentiment universel. Celui qui n'en ressent aucune est psychotique. La culpabilité correspond à la valeur négative d'un acte que l'on a accompli. Elle se distingue donc de la honte. On se sent coupable de quelque chose que l'on a fait et que l'on regrette, mais on a honte de ce que l'on est. La honte est donc la forme la plus extrême du sentiment de culpabilité.

Certains de mes patients, atteints de maladies très visibles, n'osent plus sortir de chez eux. Si ces personnes disent avoir peur du regard des autres, cela n'est pas tout à fait exact : dans la honte, c'est une partie de soi-même qui est persécuteur. C'est en vérité la personne qui éprouve de la honte qui, elle-même, ne s'accepte pas telle qu'elle est.

La honte peut conduire certains à se cacher, à vouloir disparaître et parfois même à souhaiter mourir. Elle conduit à l'enfermement et à la solitude.

III. Quelques conseils

Des pratiques à éviter

Donner son avis sans nuance est la première chose à éviter. Dédramatiser ou banaliser la situation de l'autre est parfois positif ; dans certains cas pourtant, cela peut s'avérer contre-productif. Les arguments que l'on utilisera alors auront surtout pour effet de faire ressentir à l'autre, plus cruellement encore, sa solitude.

Donner des conseils stéréotypés est un risque qui guette les associations. Avec l'expérience, on peut acquérir une manière de répondre. Il est pourtant primordial de conserver une certaine virginité dans l'écoute : il faut savoir, dans un premier temps, rester très naïf.

Ne pas supporter le silence ou l'impuissance correspond à un autre danger. Face à une situation difficile, on a parfois tendance à trop en faire. On est tenté de trop parler, de conduire l'autre à agir immédiatement. Cela reflète en réalité un sentiment d'impuissance de la part de l'écoutant.

Un écoutant doit également veiller à ne pas chercher à contrôler excessivement les émotions. Je ne pense pas que ce problème concerne réellement les personnes ici présentes. Il est cependant important d'avoir à l'esprit qu'un comportement trop froid, trop distant, n'invite pas l'autre à parler.

Quelques bonnes pratiques

La définition du cadre de l'écoute est essentielle, pour l'écoutant comme pour l'écouté. Chacun doit se présenter et se situer, et ceci même dans un contexte médical. Dans le cadre d'une association, un écoutant doit d'une part se présenter en tant que membre de celle-ci, et d'autre part dire en quoi il est lui-même concerné par la maladie.

Il est également important d'aider l'autre à s'exprimer. Poser des questions est naturellement nécessaire ; encore faut-il que celles-ci soient les bonnes. La personne que l'on écoute ne doit pas non plus se trouver noyée sous un flot de questions : il s'agit de l'aider à se présenter. Si cela paraît simple, il est essentiel de procéder ainsi afin d'établir les enjeux de l'aide.

 

L'aide doit par ailleurs contribuer à une hiérarchisation des problèmes : tous ne pourront pas être résolus en même temps. Il convient toutefois d'aider la personne à formuler elle-même sa demande. En effet, celle-ci risquerait d'être déçue si l'on se contentait de ne lui proposer que des réponses très partielles.

Cette démarche de hiérarchisation des problèmes doit intégrer les différentes personnes concernées : quels sont les points les plus importants pour la personne concernée, pour son conjoint ou pour ses enfants ?

L'écoutant doit également pouvoir supporter l'expression de l'émotion. Il ne doit pas, dans des moments intenses, s'en remettre au "il faut que", automatisme qui nous guette bien souvent.

Enfin, il est primordial que les écoutants eux-mêmes bénéficient d'un soutien. On ne peut aider sans être soi-même aidé. Il s'agit alors de partager l'écoute, de parler avec d'autres de ses expériences. Je suggérerais ainsi à l'Alliance Maladies Rares de mettre en place des groupes de parole réunissant les écoutants, quelles que soient les maladies concernées. Il ne s'agit pas, en effet, d'aborder des problèmes médicaux, mais plus simplement le vécu de chacun.

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