Etude anatomo-fonctionnelle du cortex sensori-moteur dans la dystonie

à l'aide de la magnetoencéphalographie (MEG) et de l'IRM fonctionnelle

F Bourdain, Jean Pierre Bleton, S M L Garnero, S Lebéricy, M Vidailhet,

1/ Etude préliminaire déjà réalisée en MEG : cartographie des mains dans le cortex somesthésique primaire de patients avec une dystonie de fonction

Sous presse dans Ann Neurol 2001, octobre

Nous avons réalisé en 2000-2001 une étude en magnétoencéphalographie sur 23 patients (18 femmes, 5 hommes) avec une dystonie de fonction unilatérale de leur main dominante (crampe des écrivains simple ou aggravée) et 20 sujets contrôles appariés en âge droitiers.

Une cartographie des représentations corticales de 8 doigts (1, 2, 3, 5 droits et gauches) dans le cortex sensitif primaire a été obtenue chez les 43 sujets. Les dipôles de courant équivalents (ECD) aux centres de gravité des représentations corticales des doigts ont été projetés sur l'image segmentée du cerveau (obtenue à partir de l'IRM anatomique). Chez les sujets sains la somatotopie de la main respectait celle de l'homunculus de Penfield et on trouvait dans le gyrus post central d'inféro-lateral à supéro-median les ECDs du pouce, de l'index, du majeur et du petit doigt (voir figure).

Sujet sain de 34 ans : Représentations des localisations des ECDs du pouce jaune), index (vert), majeur (bleu) et du petit doigt (rouge) dans l'hémisphère gauche (à gauche) et dans le gyrus post-central gauche (à droite) segmentés grâce au logiciel Anatomist (CEA/SIHFJ Orsay).

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Chez les patients la somatotopie était souvent perturbée : seulement 25 % d'entre eux avaient une somatotopie conservée dans les deux hémisphères. L'anomalie la plus fréquente était une inversion de la représentation de deux doigts adjacents mais parfois les représentations des doigts étaient dans des positions aberrantes: avec par exemple la représentation du petit doigt en haut du gyrus avec le pouce en bas .

Patient de 49 ans avec une crampe de l'écrivain : Représentations des localisations des ECDs du pouce üaune), index (vert), majeur (bleu) et du petit doigt (rouge) dans l'hémisphère droit (à gauche) et dans le gyrus post-central droit (à droite) segmentés grâce au logiciel Anatomist (CEA/SHFJ Orsay). Les localisations des ECDs du pouce et de l'index sont superposées, la localisation du petit doigt est au même niveau que celle du majeur trop basse.

A ces anomalies de la somatotopie s'associait un élargissement de l'aire occupée par la représentation de la main dans SI. De plus, on observait une modification de lordre 1/5 des doigts sur le cortex avec désorganisation de la représentation des doigts.

Pour réaliser des corrélations avec les données cliniques nous avons défini un paramètre TOF qui prenait en compte à la fois la désorganisation somatotopique et les distances interdigitales.

TOF est idéalement égal à 1 ; plus il est négatif plus l'aire de la main est désorganisée.

Les patients ont été classés en trois groupes de sévérité croissante selon leur score clinique sur l'échelle de Burke-Fahn et Marsden

Il existait dans l'hémisphère mineur une étroite corrélation entre le score clinique moyen du groupe et la valeur moyenne du TOF (p < 0.02, r = 0.979). Une telle corrélation

n'existait pas dans l'hémisphère majeur contrôlant la main dystonique. Dans cet hémisphère seuls les patients sévèrement atteints avaient un TOF bas , comme si une plasticité bénéfique secondaire intervenait chez les patients à scores cliniques bas.

En conclusion :

Nous avons montré qu'il existait, chez des patients avec une dystonie de fonction unilatérale, deux « patterns » d'anomalies corticales. Le premier (dédifférentiation de la représentation de la main) est exprimé seul dans le cortex « non dystonique » et est très probablement lié à un dysfonctionnement neuronal préexistant à l'apparition des mouvements anormaux. L'autre est exprimé dans le « cortex dystonique » et est le résultat de la superposition des anomalies primaires et de remodelages ultérieurs liés soit à une plasticité secondaire bénéfique soit aux mouvements dystoniques.

2/ Projet : plasticité de la représentafion corticale chez das patients atteints de dystonie du membre supérieur cliniquement « guéris » par rééducation

État de la question

Nous avons montré que des patients atteints de dystonie idiopathique du membre supérieur étaient porteurs d'anomalies de la somatotopie de la main dans le cortex somesthésique primaire (SI). Du coté opposé au membre supérieur dystonique, nous avons observé des anomalies de représentation de la main qui peuvent refléter la résultante des désorganisations propres à la maladie et ceux qui sont la réponse à l'expression clinique de la dystonie. Les modifications de la représentation de la main peuvent correspondre à des afferences corticales sensitives anormales propres au mouvement anormal, ou des tentatives de compensation. Si tel était le cas, toute modification de 'expression clinique de la dystonie pourrait modifier l'activité cortical. Ce type de donnée à été observée en PET scan après injection de toxine botulique, chez des patients atteints de crampe des écrivains. D'autre part, des modifications de l'activation corticale ont été également largement étudiés lors de la récupération motrice chez des patients déficitaires du membre supérieur après accident vasculaire cérébral.

Postulat et déroulement de l'étude

 Lorsque les patients atteints de crampe des écrivais retrouvent une écriture normale, grâce à la rééducation, on peut faire l'hypothèse que cette activité de rééducation, couplée à la modification de l'expression clinique de la maladie va modifier la représentation de la main au niveau cortical (phénomène de plasticité). Grâce à l'unique opportunité d' étudier des patients traités par Jean Pierre Bleton, kinésithérapeute spécialisé dans la dystonie, nous pouvons réunir une population homogène de patients traités par la même personne et par les mmes méthodes. Cette population qatteinte de crampe des écrivains a recouvré une écriture proche de la normale. Nous souhaitons tester 10 patients, dans un premier temps, sur le même mode que la série précédemment décrite. Ils seront comparés aux données de cette série pour les patients et les témoins.

Perspectives et conclusions

Si une désorganisation de la représentation corticale de la main est retrouvée dans le cortex sensitif primaire, celle ci pourra être d'un type différent et d'une moindre intensité que dans des formes non traitées et cliniquement symptomatiques. Cette modification de la cartographie corticale sera le reflet des phénomènes de compensations en réponse à la rééducation. Cette étude sera une des premières démonstrations de l'effet de la rééducation sur l'activité corticale.