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Génétique des dystonies primaires (Dr Marie-Hélène MARION)

(Son intervention à Limoges le 23 avril 1999)

Les dystonies d'origine génétique ont longtemps été considérées comme représentant une minorité de cas de dystonie, s'appliquant essentiellement aux formes familiales. Il y a dix ans l'équipe d'Ozelius aux USA localisait le gène DYT 1 de la dystonie généralisée primaire sur le chromosome 9, puis quelques années plus tard, identifiait la mutation de la maladie. Depuis, la connaissance de la génétique des formes généralisées et focales progresse à grands pas, conduisant à une nouvelle classification des dystonies et peut-être un jour à un traitement spécifique de ces dystonies.

Les dystonies primaires se distinguent des dystonies secondaires, pour lesquelles une cause telle une maladie métabolique est à l'origine. Les dystonies généralisées de l'enfant se distinguent cliniquement des dystonies focales (restant localisées à un groupe musculaire) de l'adulte. Les progrès de la génétique permettent d'affiner cette classification.

La dystonie généralisée primaire :

Appelée "dystonia musculorum déformans" depuis la description par Oppenheimer au début du siècle, correspond à la dystonie liée au locus DYT 1 (chromosome 9), de transmission autosomale dominante à pénétrance réduite : la pénétrance réduite signifie que les porteurs du gène DYT 1 ne sont affectés par la dystonie que dans 30 % des cas environ. Ainsi, un enfant atteint a le plus souvent des parents n'ayant pas la maladie, alors que l'un d'eux est porteur du même gène que l'enfant. La dystonie primaire DYT 1 se caractérise par une dystonie débutant dans l'enfance au niveau d'un membre (le plus souvent un pied équin) et extension fréquente et rapide en moins de cinq ans aux autres parties du corps pour aboutir à une dystonie généralisée.

Cependant, il a été récemment démontré dans une famille que l'expression clinique du gène DYT 1 peut se limiter à une dystonie focale comme une crampe de l'écrivain familiale.

La dystonie généralisée primaire non liée au locus DYT 1 :

L'âge de début est précoce, mais plus variable ; le début est marqué par une dystonie du membre supérieur, du cou ou de la face avec une extension plus limitée de la dystonie.

Dans certains cas, une mutation au niveau du locus DYT 6 du chromosome 8 a été retrouvée.

Les dystonies focales primaires :

Elles ont été considérées comme sporadiques (c'est-à-dire non héréditaires), bien qu'on connaisse depuis longtemps l'existence de familles de blépharospasme, torticolis ou crampe de l'écrivain. Une enquête familiale de patients présentant une dystonie focale, apparemment isolée à l'interrogatoire du patient, a été réalisée avec examen des membres de la famille par un neurologue ; cette étude montre que en fait, dans 20 à 30 % des cas, il existe d'autres membres de la famille affectés par la dystonie, mais passée inaperçue car peu gênante. Il semble ainsi que les dystonies focales peuvent aussi être considérées comme héréditaires de transmission autosomale dominante à pénétrance réduite.

Une forme familiale liée au chromosome 18 (locus DYT 7) a été identifiée en Allemagne.

Les dystonies dopa-sensibles :

Elles représentent 5 à 10 % des dystonies de l'enfant ; elles sont caractérisées par une amélioration spectaculaire sous Dopa. Cliniquement, il s'agit souvent de jeune enfant présentant des difficultés à la marche et des troubles de l'équilibre, s'aggravant dans la journée, sans dystonie au premier plan, rendant le diagnostic difficile. Il existe des formes sporadiques et familiales, de transmission autosomale dominante ou plus rarement récessive.

Conclusion :

De grands progrès ont été faits ces dernières années dans la connaissance de la génétique des dystonies, mais il reste à découvrir par exemple quel est le lien dans les dystonies DYT 1, entre une mutation dans la séquence codant pour la torsine A et le tableau clinique de dystonia musculorum deformans.

La recherche peut certainement gagner d'une collaboration médecins - malades en identifiant mieux les formes familiales de dystonies généralisées et focales.

De cette recherche, viendra peut-être un traitement curatif de cette affection.

Dystonie généralisée : Traitement neurochirurgical par stimulation électrique du pallidum interne: (A.ROUBERTIE, N. VAYSSIERE, P. COUBES - Unité de Recherche sur les Mouvements Anormaux de L'enfant, Service de Neurologie B, Hôpital Gui de Chauliac, Montpellier, France)

DYSTONIE: ASPECTS CLINIQUES

LES DYSTONIES

DEFINITION

La dystonie est un trouble moteur d'origine cérébrale caractérisé par la contraction tonique, involontaire et soutenue d'un ou plusieurs groupes musculaires, responsable d'un mouvement anormal ou d'une attitude anormale. Cette contraction parasite, se reproduisant à l'identique chez un m me patient, est facilitée par les mouvements volontaires, par certaines postures, par le cycle nycthéméral et par le stress.

CLASSIFICATION

On distingue les dystonies secondaires, dont les causes peuvent être métaboliques, médicamenteuses, infectieuses, vasculaires, tumorales.

On oppose à celles-ci les dystonies primaires ou idiopathiques. Il s'agit d'un groupe hétérogène de maladies hérédo-familiales se présentant selon de nombreuses formes individualisables d'après de multiples critères: origine ethnique des patients, mode de transmission, âge de début, évolutivité, sensibilité à la L-DOPA. Les dystonies peuvent également être classées en fonction de leur distribution en dystonies focales, segmentaires, multifocales, généralisées ou hémi-corporelles.

La dystonie musculaire déformante, initialement décrite par Ziehen et Oppenheim en 1911 et dénommée " dystonia musculorum deformans ", est la plus sévère des dystonies idiopathiques.

DYSTONIE MUSCULAIRE DEFORMANTE (DMD).

Il s'agit d'une pathologie rare. La prévalence a été estimée dix fois plus élevée chez les Juifs d'origine Ashkénaze (22 pour un million) par rapport à la population générale.

Dans 70% des cas les premiers signes de la maladie se manifestent avant l'âge de 21 ans. La dystonie débute habituellement au niveau d'un membre, le plus souvent un membre inférieur, responsable d'un trouble intermittent de la marche avec rotation interne, équinisme et adduction du pied. La DMD disparaît pendant le sommeil et, élément caractéristique, est peu sensible au traitement par la L-Dopa.

Le début est insidieux ; la première localisation et l'évolutivité sont très variables : la dystonie peut rester focalisée ou segmentaire, se limitant par exemple à une " crampe de l'écrivain ".

Dans les formes à début précoce (âge inférieur à 7 ans), l'atteinte initiale siège fréquemment au niveau d'un membre (le plus souvent membre inférieur), et l'évolution se fait plus souvent vers la généralisation. Dans ce dernier cas, l'atteinte diffuse progressivement aux membres et à la musculature axiale. Initialement fluctuante et favorisée par les mouvements et les émotions, la dystonie devient permanente, avec contractures douloureuses et mouvements anormaux incessants. Cette extension des troubles est responsable d'une perte de la marche, puis de la station debout et de la station assise. En cinq à dix ans, la généralisation de la dystonie conduit les patients à un état grabataire ; ultérieurement, le syndrome dystonique tend à se fixer. Dans les formes particulièrement sévères, la rapidité de l'évolution, l'atteinte de la musculature pharyngolaryngée et diaphragmatique, le retentissement des contractures permanentes (rhabdomyolyse et insuffisance rénale) voire le recours à la morphine antalgique et à l'anesthésie générale, mettent directement en jeu le pronostic vital.

D'autres signes peuvent être associés au syndrome dystonique: tremblement

d'attitude, myoclonies, exagération des réflexes cutanés plantaires. Les fonctions cognitives sont préservées tout au long de l'évolution de la maladie et ont été évaluées comme supérieures à la moyenne.

Les examens biochimiques et l'imagerie cérébrale (IRM notamment) ne révèlent pas d'anomalie dans les protocoles habituels.

ASPECTS GENETIQUES.

La dystonie musculaire déformante est une pathologie autosomique dominante dont la pénétrance est d'environ 30 à 40%. Il existe néanmoins une grande variabilité génétique:

  • une mutation de trois paires de bases au sein du gène DYTl localisé sur le chromosome 9 (en9q34) a été récemment identifié. Cette mutation est responsable de la majorité des cas de DMD à début précoce dans la population Juive Ashkénaze, et d'environ 30% des cas de DMD à début précoce dans la population non juive. Le gène DYTl code une protéine membranaire liant l'ATP appelée Torsine A, dont la fonction n'est pas encore connue.
  • dans certains cas de DMD à début précoce, le chromosome 9 ne semble pas impliqué dans le phénotype observé.
  • dans certaines familles de patients présentant une DMD à début tardif, une mutation a été localisée sur le chromosome 8 et sur le chromosome 18, mais le gène impliqué n'est pas encore identifié.

LE TRAITEMENT MEDICAL.

De nombreux essais thérapeutiques ont été réalisés dans la DMD : anticholinergiques, benzodiazépines, neuroleptiques, lévodopa, bromocriptine, baclofène, tétrabénazine. Certains peuvent permettre une amélioration partielle mais transitoire de la symptomatologie. Néanmoins, la DMD se caractérise par sa pharmacorésistance, quelles que soient les associations thérapeutiques mises en place. Par ailleurs, ces divers traitements sont souvent mal tolérés chez les enfants et s'accompagnent de nombreux effets secondaires.

TRAITEMENT CHIRURGICAL.

Avant 1996, de rares tentatives thérapeutiques chirurgicales ont été rapportées. Il s'agit d'interventions stéréotaxiques de deux types :

  • THALAMOTOMIES (Thermolésions thalamiques bilatérales des noyaux ventro-postérolatéraux) : ces tentatives se sont le plus souvent avérées décevantes, les améliorations ne dépassant pas quelques mois. En particulier, les lésions bilatérales souvent nécessaires dans cette maladie, sont grevées d'un taux important de complications cognitives, parfois de séquelles, parfois de séquelles paralytiques.
  • PALLIDOTOMIES (Thermolésions pallidales): en 1996, une pallidotomie bilatérale a été réalisée pour la première fois chez un jeune garçon âgé de seize ans présentant une forme généralisée de dystonie musculaire déformante. Une amélioration fonctionnelle intéressante a été rapportée. Cette intervention a été proposée par analogie avec l'efficacité connue de cette opération sur les troubles du tonus de la maladie de Parkinson.

En novembre 1996, l'équipe pédiatrique du CHU de Montpellier a été amenée à prendre en charge une enfant atteinte d'une forme gravissime de DMD maintenue sous anesthésie générale en réanimation depuis deux mois.

Considérant le très jeune âge de la patiente et les risques inhérents à la pallidotomie, un traitement plus conservateur consistant en l'implantation d'électrodes de stimulation bipallidale a été proposé. Cette opération a été réalisée sous IRM à haut champ et cadre stéréotaxique de Leksell. Les électrodes utilisées sont fabriquées aux USA (Société Medtronic). Il s'agit d'un matériel jusqu'à ce jour destiné à des indications thérapeutiques chez l'adulte. En particulier, certains cas de maladie de Parkinson et de douleurs rebelles sont traités par un tel système.

Ce nouveau traitement, appliqué dans des conditions de menace du pronostic vital, a permis non seulement de sauver l'enfant, mais également, avec un an de recul, d'améliorer de façon spectaculaire la symptomatologie : disparition des dystonies, autonomie globale et en particulier de la marche, motricité fine améliorée (l'enfant peut écrire, s'alimenter seule). La scolarité est à l'heure actuelle reprise.

Les bases techniques de ce nouveau traitement sont les suivantes :

  • arguments physiopathologiques: le rôle des noyaux gris centraux a été particulièrement étudié dans la physiopathologie de certains types de mouvements anormaux (maladie de Parkinson, chorée de Huntington). Les noyaux gris centraux sont également impliqués dans la physiopathologie de la DMD, mais les mécanismes neuroanatomiques et neurochimiques sous-tendant leur rôle ne sont pas entièrement élucidés. Ainsi, le pallidum interne joue un rôle inhibiteur sur certains noyaux thalamiques activateurs des cortex moteurs primaires et supplémentaires. La perte de cette inhibition entraîne une libération motrice s'exprimant par des mouvements anormaux et des troubles du tonus. La restauration de cette activité inhibitrice par une stimulation électrique adaptée est donc cohérente.
  • arguments bibliographiques: la pallidotomie est couramment utilisée dans la maladie de Parkinson avec une efficacité rapportée sur l'akinésie et la dystonie. La stimulation pallidale a été plus récemment introduite dans cette indication. L'efficacité de la pallidotomie bilatérale a été rapportée chez quelques patients atteints de dystonie généralisée. Par ailleurs, l'échec d'autres procédures de neurochirurgie stéréotaxique réalisée sur d'autres cibles, en particulier sur le thalamus est connu.
  • efficacité, sécurité et réversibilité bien établies de la technique de stimulation cérébrale. Introduite pour la première fois par Heath, la stimulation électrique à haute fréquence localisée à un volume intracérébral minimum aurait une action inhibitrice du fonctionnement de cette même structure. Cette technique est appliquée en traitement des mouvements anormaux de l'adulte (maladie de Parkinson, tremblement essentiel, tremblement de la sclérose en plaque, dystonie focale) par certaines équipes françaises.

L'efficacité obtenue auprès de cette patiente chez laquelle la stimulation électrique chronique pallidale bilatérale a été réalisée justifie que d'autres malades présentant une dystonie musculaire déformante généralisée puissent bénéficier de cette prise en charge.

RESULTATS PRELIMINAIRES DE LA STIMULATION ELECTRIQUE DU PALLIDUM INTERNE CHEZ DOUZE PATIENTS

Depuis la première réalisation, avec des résultats favorables, d'une stimulation électrique chronique bilatérale des globus pallidum internes chez une fillette présentant une dystonie musculaire déformante, dix-sept nouveaux patients atteints d'un syndrome dystonique généralisé et sévère ont pu bénéficier de cette prise en charge. Cette étude prospective a été mise en place après accord du CCPRB. Quinze patients ont une forme idiopathique de dystonie. Pour six patients, le recul est inférieur à 6 mois ; nous ne présentons que les patients pour lesquels le suivi est supérieur à 6 mois: les 12 premiers patients ayant bénéficié de la mise en place d'électrodes de stimulation pallidales.

POPULATION.

Cette population est constituée de 8 filles et 4 garçons, parmi lesquels 8 enfants. L'âge moyen de début de la maladie est 6 ans 9 mois, avec des extrêmes allant de 18 mois à 22 ans. L'âge moyen des patients lors de l'intervention est de 13 ans 6 mois, avec des extrêmes allant de 5 ans 1 mois à 27 ans.

METHODE.

L'intervention consiste en l'implantation stéréotaxique bilatérale sous cadre de Leksell et IRM d'électrodes de stimulation pallidales, reliées à des stimulateurs de type ITREL Il permettant une stimulation chronique. L'évaluation de l'efficacité de la stimulation est jugé sur des paramètres cliniques cotant la dystonie (échelle de Burke) et des critères fonctionnels cotant le retentissement de la dystonie sur le confort de vie. La durée moyenne du suivi et de l'évaluation postopératoire est de 16 mois, avec des extrêmes allant de 8 à 29 mois.

RESULTATS.

Tous les patients présentent une diminution de plus de 80% des mouvements anormaux. Cette amélioration est progressive sur plusieurs mois et est durable. La stimulation permet une disparition rapide et complète des phénomènes douloureux associés au syndrome dystonique. Les résultats fonctionnels sont progressifs, 8 des 12 patients ont pu récupérer une marche normale. Trois patients mènent une vie tout à fait normale. Les traitements médicaux associés ont pu être simplifiés, avec diminution de leurs effets secondaires (somnolence, notamment), mais sans aggravation du syndrome dystonique. Chez tous les patients nous avons remarqué une amélioration de l'état général, une reprise pondérale, et chez les enfants, une reprise de la croissance staturale.

Un patient, dont l'état général était très altéré, a présenté une infection au niveau d'un stimulateur abdominal, justifiant l'ablation unilatérale du matériel malgré une très nette diminution de la dystonie et une importante amélioration fonctionnelle ; le matériel de stimulation sera réimplanté dans quelques mois.

CONCLUSION.

La stimulation électrique chronique bilatérale des globus pallidums internes chez les patients présentant une dystonie généralisée et sévère permet une disparition quasi-complète et durable des mouvements anormaux. La récupération fonctionnelle est progressive. Les meilleurs résultats sur les mouvements anormaux et sur la récupération fonctionnelle ont été observés chez les patients porteurs de la mutation DYT1

  vwvwv extrait du site AMADYS
mise à jour : jeudi 09 mai 2002   copyright© [JPG] 2000