Jean-François MATTEI

Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées

Mesdames, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs les responsables, chers amis, chers collègues, c'est un réel plaisir de me trouver parmi vous, comme d'ailleurs chaque fois que ma vie de généticien rejoint le rôle du politique.

En vous retrouvant aujourd’hui, j’ai la chance de conjuguer mon expérience de généticien avec mes activités politiques autour d’un sujet essentiel qui me tient particulièrement à cœur, comme vous le savez.

Les maladies rares nous conduisent à des révisions bien souvent drastiques de nos comportements. Elles posent un problème médical nouveau : il faut en effet apprendre à connaître, à reconnaître, à identifier, à découvrir l’exception ; il faut apprendre à progresser dans la connaissance de la maladie, souvent au fil de la vie du malade tant il est vrai que les identifications récentes ne permettent pas toujours de répondre aux questions du lendemain et de l'évolution. C'est aussi apprendre le partage nécessaire de l’information et de l’expérience, c'est encore l'organisation des réseaux, des services référents. Les maladies rares nous apprennent l’humilité de la personne seule.

Face à ces 7 000 à 8 000 affections, dont 1 200 affections génétiques identifiées, un sentiment d’impuissance peut nous envahir : on a le sentiment qu'on ne parviendra jamais à tout mémoriser. On peut même avoir le sentiment d'efforts inutiles. En termes brutaux de coût et d’efficacité, le sujet des maladies rares peut sembler peu attractif : à quoi bon consacrer autant de temps et d’énergie à une pathologie rencontrée une ou deux fois tous les cinq ans dans le parcours professionnel des médecins ?

J’ai pour ma part le sentiment que les maladies orphelines ont conduit, avant l’heure, à briser les frontières, à mettre de côté l’attachement au bilan personnel, aux expériences individuelles. Elles nous ont appris le partage en nous ouvrant d’autres horizons et elles nous ont donné une leçon de politique. A mon sens, les maladies rares soulèvent un problème politique, au sens plein du terme. Si nous voulons garantir l’égal accès aux soins, si nous recherchons la meilleure qualité de traitement, si nous souhaitons une égalité de suivi, de prise en charge, et d'accompagnement pour tous, alors nous comprenons vite qu'il convient de repenser l’ensemble de notre système de santé – y compris le secteur médico-social.

Le gouvernement a souhaité poser les fondements d’une véritable politique de santé publique. Je ne souhaite pas ici en détailler la démarche ni les outils. Parmi les cinq thématiques prioritaires qui ont été retenues (dont le cancer, la violence, l'environnement et la santé et l'amélioration de la qualité de vie des malades atteints de maladies chroniques), j’ai souhaité retenir les maladies rares car celles-ci sont à mon sens exemplaires et nous conduisent à poursuivre dans la voie d’une plus grande justice et d’une plus grande équité. Par leur histoire naturelle, elles imposent des lignes de force qui s’organisent spontanément pour constituer un programme cohérent. J'en retiendrai rapidement quatre.

·         Systématiser la labellisation de centres de référence et de compétences

Ces centres permettront d’assurer le diagnostic, la prise en charge pluridisciplinaire (médicale, sociale, psychologique) par des professionnels hospitaliers ou libéraux travaillant en réseaux. La récente mise en place des Centres de ressources concernant la sclérose latérale amyotrophique et la mucoviscidose témoigne de l’intérêt et de l'urgence qu'il y a à étendre ce modèle d’organisation des soins. A cet effet, un cahier des charges transversal, élaboré au sein d’un Comité consultatif associant l’ensemble des acteurs, est en cours de constitution afin de mieux appréhender la labellisation des centres, qu’ils soient régionaux, inter-régionaux, nationaux, européens ou internationaux.

·         Développer la formation et l’information auprès des patients et des professionnels de santé

C'est une exigence fondamentale qui passe par le soutien de la base de données multilingues Orphanet, de la téléphonie sociale et de la mise en place de sites Internet.

·         Soutenir la recherche médicale

Il est également nécessaire d’amplifier la recherche médicale, notamment la recherche génétique, clinique, thérapeutique. Des progrès doivent être réalisés en matière de développement et de mise sur le marché de nouveaux médicaments, dans une dimension nécessairement européenne et internationale, quel qu’en soit le prix. Il est exclu de priver un malade de traitement lorsque celui-ci existe. La prise en charge de la maladie de Fabry en est un exemple parmi d'autres. Une politique prenant en compte les produits innovants s’impose. Celle-ci vient fonder la politique du médicament que je veux mener. Une société juste, solidaire ne peut se baser sur le seul critère de rentabilité en la matière. Nous avons besoin d’une charte d’accès aux molécules et devons absolument refuser l’appropriation du vivant.

·         Améliorer le dépistage et la surveillance des maladies rares

Il semble que nous ne disposions que de peu de données relatives à la prévalence, à l’incidence et à l’évolution naturelle de ces maladies. La France témoigne dans ce domaine d’un certain retard par rapport à d’autres pays européens : par exemple, les patients atteints de mucoviscidose vivent en moyenne 45 ans au Danemark contre 29 dans notre pays. Nous avons besoin de registres, ceux qui existent actuellement restant insuffisamment exhaustifs. Des progrès peuvent potentiellement être accomplis, en lien avec l’Institut de veille sanitaire et l’INSERM. Je veux saluer ici l'unité dirigée par Ségolène Aymé.

Dans toutes ces actions, à côté des professionnels de santé et des chercheurs, il faut ajouter l'apport considérable des malades. Au cours des 15 dernières années, la plus grande découverte de la médecine, ce sont les malades. Il faut les associer à la démarche médicale. C'est la raison pour laquelle le soutien aux associations de malades, qui sont largement à l'initiative des actions engagées, sera bien entendu constant. Les associations seront partie prenante des politiques menées. Je n’oublie pas que ce sont l’Alliance Maladies Rares et Eurordis qui nous rassemblent aujourd’hui.

Les maladies rares nous donnent une double occasion de manifester notre solidarité : d’une part, une solidarité traditionnelle face à la maladie ; d’autre part, une solidarité plus forte encore face à la rareté. Ces maladies, qu'on a quelquefois qualifié d'orphelines, méritent ainsi d’être prises en charge. Ceux qui en sont atteints ne peuvent pas être abandonnés une deuxième fois. L’échelle des valeurs d’une société se mesure dans de telles actions.

Aussi, je voudrais vous remercier du fond du cœur pour le combat que vous menez.