A
vous les chanceux, qui êtes en bonne santé Dans
cet espace, je vais essayer de faire comprendre à ceux qui sont
en bonne santé et les autres, ce que nous, personnes concernées
par les dystonies, nous ressentons à la fois physiquement, psychologiquement
dans notre être intérieur et le rapport avec les autres.
Mais je vais
aussi parler des réactions que vous, personnes qui êtes en
bonne santé, avez face à notre pathologie. De quelle manière
vous nous recevez, les réactions, interrogations, comportements.
Je parle
en temps que personne atteinte d'un torticolis spasmodique idiopathique
( je précise idiopathique = dont
on ne connaît pas l'origine car on a tôt fait
d'entendre autre chose. Le principe de précaution est à
la mode ).
Je parle
aussi en temps que personne écoutante qui, depuis 1997, a eu plusieurs
centaines et centaines de personnes au téléphone, par mail,
par MSN Messenger, qui lui ont exprimé et continuent d'exprimer
leurs souffrances, leur ressentis, les problèmes personnels, familiaux,
professionnels rencontrées dans leur maladie.
La dystonie pénêtre dans une
vie intacte et active. C'est une des certitudes de cette
maladie. le fait de devoir vivre avec cette maladie incompréhensible,
déconcertante et gênante ou handicapante déclenche
chez la personne concernée et son entourage un sentiment d'impuissance
mais ravive en elle l'objectif d'aller vers la stabilisation, la rémission
voire la guérison.
Ce qui vient en premier est l'isolement ressentis dès que la maladie
est diagnostiquée (de nombreux divorces ont comme origine l'apparition
de cette maladie. Le conjoint ou la conjointe qui ne comprend pas ou n'accepte
pas et qui fuit devant l'inconnu ). Bien sûr, il existe de
nombreuses exceptions où l'environnement est porteur et la personne
touchée peut mener son combat de la meilleure manière. La
problématique se présente de la même manière
dans le milieu professionnel ( nous avons plus de difficultés
à effectuer notre travail et dans de nombreux cas cette maladie
nous conduira jusqu'à la mise en invalidité ) quel
gâchis ! un couple brisé plus une vie professionnelle foutue,
quel gâchis ! des enfants qui n'ont plus de respect pour vous, qui
ne veulent plus vous voir ou alors 5 mn. Un fils qui ne s'est pas manifesté
depuis 7 ans. Une situation financière qui se dégrade de
mois en mois. Commment voulez-vous avoir la banane ??? alors vous allez
me répondre - bouge-toi ! et oui bouge-toi !
Je mettrais en deuxième, la difficulté d'accepter le handicap
quand handicap il y a. Ce handicap peut être visible et comme il
est hors normes il créer le doute sur la bonne santé mentale
de la personne ou il peut être imperceptible ou simplement signifier
par de légers tremblements et là de nouvelles stratégies
sont mises en oeuvre pour essayer de cacher ce handicap. Un torticollis
spasmodique n'a pas les mêmes conséquences qu'un blépharospasme
qu'un syndrome de Meige ou autres dystonies. Le regard de l'autre devant
des signes ou des mouvements bizarres peut le désappointer. Nous-même
avons quelquefois une hésitation à aller vers l'autre devant
cette peur de l'incompréhension.
En troisième : les difficultés sociales. Les conditions
faites aux personnes en situation de handicap sont déplorables
et indignes d'un pays comme la France. La plupart d'entre-nous avions
des situations de haut niveau avec de lourdes responsabilités et
la maladie vous propulse dans un nouveau monde; le monde du handicap médicalisé.
Les difficultés sociales comprennent les aides financières
pour vivre: " je dis bien arriver à vivre ", les accès
pour personnes en fauteuils roulants où là encore nous sommes
en retard sur tout le monde.
Je parle
aussi en temps que responsable d'association qui a eu à connaître
à la fois les joies apportées par les rencontres et aussi
les trahisons par les proches. Je connais la bagarre que se livrent les
associations pour être vues, reconnues, aidées en employant
des moyens qui dépassent l'entendement. Même dans le privé,
les patrons n'oseraient pas faire cela.
Heureusement,
ces cas sont marginaux mais ils sont plus nombreux qu'on ne le croit et
le fait d'être une association donne une connotation humaniste.
Sous ce couvert, il faut être méfiant.
Voilà
le tableau posé.
Première
remarque importante :
Un diagnostic
de dystonie n'est pas un diagnostic de dépression
Étrange
n'est-ce pas ! Vous nous rabâchez toujours que nous sommes dépressifs,
qu'il faut se bouger, que nous nous laissons aller, qu'on s'écoute.
Et bien vous qui êtes en bonne santé, je vous assure qu'il
faut un sacré courage pour lutter contre la dystonie. D'ailleurs
on ne lutte pas contre elle, c'est une partie de notre corps qui lutte
contre une autre.
Quand vous
avez fait votre jogging de 10 km du samedi , vous avez quelques crampes
dans les jambes et bien nous nous avons notre propre jogging dans nos
muscles contractés et nous devons essayer de nous mouvoir comme
vous pour essayer d’être semblable à vous.
Essayer de
vous imaginer ce qu’est un torticolis spasmodique par exemple. Il
y a cinq muscles principaux qui reçoivent une excitation anormale
envoyée par le cerveau (ganglions de la base)
et pour contrecarrer ces excitations le corps est obligé de réagir
pour que l’on puisse se présenter à vous comme à
peu près normal sinon c’est le rejet social d’embléeet
des douleurs insupportables.
Si ces excitations
étaient de même intensité la contre-contracture serait
régulière et bien non , pour pourrir le tout, il faut que
les contractures soient spastiques ou élastiques comme un amortisseur.
De plus nous devons être de bonne humeur, avoir la banane, surtout
ne pas dire qu’en on a un coup de barre qu’on est pas fatigué
etc… etc …
Mais vous
qui êtes en bonne santé, vous auriez le dizième de
ce qu’on endure et vous seriez couché alors Halte-là
ne nous prenez plus pour des mauviettes, des déprimés, des
âmes sensibles. Regardez-vous et assumez ! Vous avez peur de nous
et vous avez surtout peur que cela vous arrive. Alors
la facilité c’est la fuite ou la confrontation mais là
vous avez quelques avantages sur nous et bien souvent pour pouvoir nous
apaiser nous préférons la situation de repli.
Lorsque nous
sortons de table pour aller se reposer, ne vous posez pas la question
de savoir si on s’emmerde avec vous. Non, c’est tout simplement
que nous ne tenons plus et que il faut poser la tête quelque part
et quel endroit est le mieux sinon un lit. Alors si vous nous voyez au
lit quelle idée vous vient en tête et bien il ou elle est
déprimé c’est le chat qui se mord la queue.
Pour le Blépharospasme,
le syndrome de Meige la crampe de l’écrivain etc toutes ces
maladies engendrent ces conditions cachées et difficilement explicables
au bien portant.
Toutes ces
incompréhensions, ces refus de voir, ce manque d’écoute,
cet affectif entre les êtres qui n’existe plus ou qui existe
moins, cette rapidité donnée à la vie qui ne permet
plus à l’humain de prendre du recul et de penser à
l’autre.
Ces observations
sont aussi valables pour certaines personnes du milieu médical
hormis les spécialistes qui étudient et soignent les dystonies
et il y en a peu. Merci à ceux qui nous soignent efficacement.
J’espère
que ces quelques phrases permettront à nos proches et passants
de nous voir autrement et d'éviter de nous prendre pour ce que
nous ne sommes pas.
Amicalement
Jean-Pierre GADBOIS
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