Boujour à toutes et à tous. Jean Pierre.Annoncer une mauvaise nouvelle à un patient, voilà une tâche qui fait partie du lot quotidien de nombreux médecins et dont certains s’acquittent apparemment mieux que d’autres. Le généraliste est-il plus apte que le spécialiste, le cancérologue plus à l’aise que le chirurgien ? Une annonce très mal vécue par le patient peut-elle altérer son état psychologique et favoriser un état dépressif ? Alors que le sujet est souvent abordé de manière anecdotique, l’édition de juillet du Journal of the Royal Society of Medicine s’est penchée sur le cas de 106 patients à qui l’on avait annoncé un cancer invasif afin de disséquer toutes le faiblesses de la communication médecin-patient.

Le Dr Mandy Barnett de l’Université de Warwick (Royaume-Uni) estime que la manière dont les patients ont vécu l’annonce de leur diagnostic est un sujet qu’on aborde fréquemment, mais de manière plutôt anecdotique. Il s’est donc intéressé au cas de 106 patients auxquels on avait annoncé un cancer avancé et auprès desquels il a recueilli des détails sur le personnel médical qui leur avait annoncé le diagnostic, la manière dont s’était passée l’annonce et leur propre jugement quant à cette annonce.

Chez 94 patients l’annonce avait été faite par un médecin, pour 86% d’entre eux par un spécialiste hospitalier et pour 48 patients par un chirurgien. Pour 13 patients sur 85 l’annonce avait été faite par  par un généraliste, pour 4 d’entre eux par un cancérologue. « Presque » tous les patients ont été informés en face à face précise le Dr Barnett, ce qui sous-entend qu’un certain nombre d’entre eux l’ont été par courrier ou par téléphone…

49% des patients ont jugé leur annonce "neutre" et 20% "positive", mais pour 20% d’entre eux le souvenir qu’ils avaient de l’événement était négatif, voire très négatif pour 6% d’entre eux. « Les patients se souvenaient particulièrement des individus qui étaient brusques, antipathiques ou impatients » explique l’auteur. En comparant la manière dont les patients avaient jugé l’annonce faite par un médecin d’une spécialité chirurgicale et non chirurgicale il s’est avéré que les chirurgiens étaient jugés moins bons que les autres. De même, les chirurgiens ont obtenu de moins bons scores que les médecins généralistes. Quand les patients ont dû qualifier les médecins selon qu’ils leur étaient apparus disponibles ou non tout au long de leur maladie, les chirurgiens ont été les hospitaliers qualifiés de « moins disponibles », tandis que les généralistes ont été souvent jugés comme étant les « plus disponibles. » Aucun lien significatif avec l’état psychologique du patient à long terme n’a pu être mis en évidence, ni dans un sens, ni dans l’autre : les patients avec un souvenir positif de l’annonce de leur diagnostic n’ont pas été protégés contre la dépression tandis que ceux qui avaient un très mauvais souvenir n’étaient pas plus susceptibles de devenir dépressifs.

Il semblerait donc que certains types de médecins soient plus aptes que d’autres à la communication. Bien que le nombre de patients étudiés soit faible dans cette étude, l’auteur estime qu'on peut toutefois dégager une certaine tendance, à savoir une différence de perception entre les messages délivrés par les chirurgiens et les autres spécialistes. Le Dr Barnett suggère alors que les spécialistes hospitaliers étaient impliqués à un stade plus précoce de la maladie tandis que les spécialités chirurgicales intervenaient plutôt quand les traitements avaient été inefficaces, ce qui explique que les patients les aient globalement moins bien jugés. Ce dernier n’exclut pourtant pas l’éventualité que les chirurgiens soient de moins bons communicants que les autres, posant ainsi la question de la formation à la communication médecin-patient. Bien souvent les jeunes médecins se formant en prenant exemple sur les seniors dans leur manière d’annoncer de telles nouvelles et sans avoir reçu de formation spécifique au cours de leurs études. Barnett cite alors une étude qu’il avait menée en 1995 sur 201 médecins et montrant que 14% seulement d’entre eux avaient suivi une formation pour annoncer ce genre de mauvaise nouvelle. 

Il regrette alors qu’il n’y ait « pas ou peu d’évaluation de l’aptitude à la communication au cours de la formation en chirurgie » bien que les chirurgiens soient les plus susceptibles de faire un diagnostic de cancer. Mais globalement c’est toute la communication médecin-patient qui semble devoir être remise en cause dans le cadre du cancer ; dans la dernière édition de la revue Palliative Medicine, Le Pr Fallowfield et ses collègues de l’Université du Sussex montraient que les médecins sous-estimaient le réel besoin d’information de leurs patients en phase terminale d’un cancer et qu’ils parvenaient difficilement à rester honnêtes avec eux… 

Anne Mignot 
Sce Medhermès